Trouver sa voie spirituelle

Trouver sa voie spirituelle

Mme N'Guyen

J'avais 12 ans et avec ma mère nous rendions souvent visite à Mme N'Guyen, une personne âgée qui n'était pas de notre famille mais la vie a fait qu'elle n'avait plus que nous comme famille.

Elle nous recevait toujours avec du bon thé au jasmin et des friandises asiatiques. Elle était vietnamienne de naissance et vivait en France depuis peu, elle avait environ 80 ans mais elle n'avait rien d'une grand-mère banale! J'aimais beaucoup cette femme douce, tendre, réservée et surtout j'aimais ses rires et ses yeux malicieux. Quand j'étais avec elle, j'avais l'impression d'être privilégiée d'avoir la chance de partager des moments de joie avec elle.

Ma mère s'absentait après lui avoir demandé ce dont elle avait besoin comme courses et je restais avec elle, alors on allait sur le balcon et elle allumait sa cigarette en me faisant promettre de ne rien dire et elle riait comme une petite fille.

 

Mme N'Guyen me parlait parfois de ses coutumes, et quand j'étais seule avec elle elle s'ouvrait à moi sur les fantômes, c'était rare mais elle me disait qu'elle devait mettre un couteau en argent sous son matelas pour que les mauvais esprits ne viennent pas l'ennuyer. Je ne lui parlais pas de mes expériences d'enfant, car je pense que je les avais caché au fond de moi et que j'avais perdu la clé de ce coffre à mystères que je ne voulais plus ouvrir.

 

Il lui restait son mari qui était en fin de vie dans un hôpital voisin, j'étais triste pour eux qu'ils finissent leurs jours loin de chez eux. Elle ne montrait jamais sa tristesse, elle parlait de son mari avec fierté et jamais de sombres mots ne venaient dans sa bouche même si ses yeux semblaient tristes quand elle abordait le sujet. Un jour, Mr N'Guyen finissait sa vie, nous rendions donc visite à sa femme et j'avais apporté mon petit livret de poésie, petit calpin où j'aimais écrire des notes, des pensées. J'avais alors 13 ans et je ne pensais plus vraiment aux esprits à cette époque, peut-être parce qu'à cette période c'était le calme plat et que je ne voulais pas revivre la peur des visites nocturnes.

 

Nous buvions son délicieux thé au jasmin, et j'eus soudain l'envie d'écrire des phrases, je pris donc mon calpin et sans m'en rendre compte réellement en quelques minutes j'avais écris un poème: la mort n'existe pas.

Quand j'avais terminé, j'étais étonnée d'avoir eu cette inspiration et les émotions que j'avais ressenties me troublaient. Je lu le poème à Mme N'Guyen, à ma grande surprise elle se mit à pleurer mais son sourire ne fléchissait pas. Elle pleurait de joie.

Elle me prit les mains et me remercia de tout son coeur, je ne comprenais pas pourquoi elle me remerciait mais je ne disais rien et elle me dit que ce poème c'était un message de son mari pour elle, pour qu'elle soit rassurée, pour que son absence soit moins lourde. Elle décrocha du mur le portrait de son défunt mari, enleva le cadre et le verre et me tendit le derrière de la photo en me demandant d'y inscrire le poème. Je recopiais donc le poème au dos de la photo, les mains tremblantes au début, mais rassurée par le sourire chaleureux de cette femme qui a beaucoup comptée pour moi.

 

Ma mère ne disait rien non plus, elle avait pleuré aussi, mais tout cela était trop compliqué pour elle, elle ne pouvait pas vraiment comprendre ce qu'il s'était passé, en tout cas elle ne pouvait pas vraiment le croire. Mme N'Guyen me fit comprendre que j'étais un être exceptionnel, et que je ne devais jamais perdre cette pureté et cette beauté en moi. Pour le coup c'est moi qui aurait pu pleurer. Elle me fit aussi comprendre que ce "don" que j'avais elle le ressentait depuis le début, qu'elle avait vu en moi les qualités de coeur qui sont nécessaires.

J'étais un peu impressionnée par tout ça, plus tard j'essayais de recommencer, seule, mais rien ne se produisait, l'étincelle n'était plus là. Bien sûr j'écrivais toujours des nouvelles et des poèmes, mais plus jamais ce type d'inspiration ne vint en moi comme cette fois si magique.

 

Mme N'Guyen vieillissait et elle mourut seule, sans sa famille, mais nous étions près d'elle. La mort approchant, elle ne nous reconnaissait plus, j'ai détesté ce moment où dans l'hôpital l'être semble ne plus avoir aucune dignité. J'avais mal pour elle, je ne la retrouvais plus dans cet état, elle semblait déjà partie ailleurs même si son corps était encore un peu en vie. J'aurais voulu récupérer le portrait pour avoir un souvenir de Mme N'Guyen et de ce moment particulier que nous avions vécu, mais ce qui lui restait comme famille (qui avait enfin fait le déplacement quand il n'y avait plus rien à voir) avait déjà emporté le portrait. Il ne restait plus rien de Mme N'Guyen, même pas une petite photo d'elle et là j'ai eu énormément de peine, même si ma mère avait été remerciée pour son "assistance" auprès d'elle.

Je ne retrouvais pas non plus le calpin, j'avais dû le jeter après une dispute avec un "amoureux". Au final, il me restait les souvenirs et aujourd'hui plus de 20 ans après, je repense parfois encore à ce petit bout de femme qui a égayé ma vie de jeune fille. Merci Mme N'Guyen pour votre affection, pour vos conseils et pour votre sourire si bienveillant, vous avez été un modèle de grâce pour moi.

 

Quand je bois du thé, je pense parfois à elle et je suis persuadée que ses bons petits plats n'y sont pas pour rien dans mon goût pour la cuisine asiatique. Elle fait partie de mes meilleurs souvenirs et mes proches la connaisse à travers moi. Comme quoi, la mort n'existe pas...

 



12/07/2015
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